Le grand désaveu de la filière Bio

Le grand désaveu de la filière Bio
Le grand désaveu de la filière Bio

L’agriculture biologique reste le mode de production le plus favorable à la santé humaine et à la durabilité environnementale. Les mesures pour stimuler sa consommation doivent être amplifiées, au nom de l’efficacité environnementale et de la justice sociale. Malheureusement, on constate depuis plusieurs années un véritable recul dans les soutiens accordés à l’AB de la part des pouvoirs publics.

L’application française de la nouvelle PAC : état des reculs

Des objectifs quasiment inchangés

Les objectifs de la nouvelle PAC restent quasi-inchangés par rapport à la précédente, dans la stratégie d’accroître toujours la compétitivité des fermes. Un accent plus important est mis sur la qualité des denrées alimentaires et la santé, mais avec une quasi-absence de mesure proposée. Enfin, les technologies, en particulier numériques, sont au centre de la nouvelle PAC, mais on y retrouve aucun objectif relatif à l’autonomie des exploitations, à la maîtrise de l’endettement et des consommations intermédiaires.

Premier pilier : Bio et HVE sur le même plan !

Alors que les aides de la PAC sont clairement déconnectées des enjeux environnementaux, la mise en place de l’«éco-régime », c’est-à-dire la valorisation financière des services environnementaux rendus, concentrait toute notre attention.
Force est de constater que le dispositif a été complètement vidé de sa substance : représentant au moins 20% des aides du 1er pilier, il est difficile de voir la différence avec l’ancien paiement vert (devenu éco-conditionnalité) puisque l’objectif est finalement qu’il soit accessible à tous sans plus de conditions environnementales.
Et surtout, Bio et HVE seront logés exactement à la même enseigne, malgré des exigences bien moindre du côté de HVE, alors que l’éco-régime devrait soutenir les efforts de pratiques qui ont un effet réel sur l’environnement avec des niveaux de paiement proportionnels aux bénéfices environnementaux rendus.
3 voies sont ainsi possibles dans cet éco-régime :
• Voie 1 : non-labour sur un pourcentage significatif des prairies permanentes OU diversification des cultures (incluant des légumineuses) OU couverture végétale d’une part substantielle de l’inter-rang pour les cultures cultures pérennes
• Voie 2 : Certification en agriculture biologique et HVE (76€/ha), et d’autres certifications environnementales, notamment la certification environnementale niveau 2 (54€/ha)
• Voie 3 : au moins 7 % d’infrastructures agroécologiques (IAE) sur l’exploitation (54€/ha) ou au moins 10 % (76€/ha)

Second pilier :

La FNAB demandait une enveloppe de 500 millions d’euros par an pour atteindre 20% de surfaces en Bio en 2027 et 25% en 2030, soit l’engagement du Pacte Vert Européen. En face, le ministre de l’Agriculture propose 340 millions.
Entre 2014 et 2015, la surface en bio a doublé grâce à une Politique Agricole Commune ambitieuse avec un soutien de la bio dans la durée. Depuis 2017 cette dynamique stagne ! Retards de paiement, suppression du soutien de l’État sur les financements dans la durée (aide au maintien), abandon de l’objectif de 15% de surfaces bio en 2022…

HVE : « quand c’est flou c’est qu’il y a un Loup »

HVE et Bio, la même exigence, vraiment ?

Pilier de la transition agricole voulue par le Ministre, le Label HVE est peu contraignant sur le plan environnemental et difficilement appréhendable par ses différents niveaux de certification, il sera pourtant rémunéré à même hauteur que la bio dans la prochaine PAC. Mais aussi soutenu à grand renforts par les collectivités comme la région Grand Est, ou encore certains départements comme la Moselle. Ces deux collectivités ont mis en place des aides à la certification HVE ou Viticulture Durable en Champagne, mais pas à la certification AB !
Nous présentons ici les principales différences entre les 2 labels, sans rentrer dans les nombreux détails du cahier des charges HVE.

Source : FRAB Bretagne

Si le cahier des charges bio autorise la mixité sur les fermes, rappelons que le réseau FNAB défend uniquement la mixité comme une étape transitoire permettant le passage de l’ensemble d’une ferme à l’a bio.

Ce rapport que le ministre a voulu enterrer

Le 26 mai dernier, le journal « Le Monde » révèle qu’un rapport confidentiel remis aux ministères de l’agriculture et de la transition écologique par l’Office français de la biodiversité (OFB) pointe les manquements graves de la HVE.
Le quotidien révèle également que le ministère de l’Agriculture a tout fait pour enterrer ce rapport.

Et on le comprend !

Ses conclusions sont sans appel : « Le label HVE ne présente, dans la grande majorité des cas, aucun bénéfice environnemental », pointe l’OFB. Sur la biodiversité, l’OFB rapporte que les critères retenus par HVE sont 5 fois inférieurs aux exigences du paiement vert actuel de la PAC. Le rapport explique également que cette « certification ne devrait pouvoir être prise en compte dans le cadre de politiques publiques environnementales, ou en tant qu’argument de commercialisation sans tromperie du consommateur. » Enfin, selon l’OFB : « Il conviendrait donc soit d’abandonner cette voie d’accès à la certification HVE, soit de réviser les modalités de calcul pour tenir compte des spécificités économiques et environnementales des différentes filières ».

Une certification qui ne permettra pas la transition écologique

De son côté, l’IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales) a rendu un avis tout aussi au vitriol sur la certification HVE en avril dernier5. Ce rapport propose de supprimer purement et simplement la Voie B (approche globale basée sur le respect d’un ratio intrants/chiffre d’affaires inférieur à 30 %, une part des intrants dans le chiffre d’affaires inférieur à 30 %, une part de la SAU en infrastructures agroécologiques supérieure à 10 % ou une part de la SAU en prairie permanente supérieure à 50), qui selon l’IDDRI, « permet aux exploitations des filières de forte valeur ajoutée (viticulture) ou à fort coût de main d’œuvre (maraichage) d’obtenir la certification sans aucune amélioration de leur performance environnementale ». 80 % des exploitations certifiées HVE au 1er juillet 2020 étaient d’ailleurs orientées «viticulture»…
Quant à la voie A « les critères, indicateurs et seuils retenus limitent fortement l’ambition environnementale de la certification HVE », estime l’IDDRI. Pour obtenir la certification par cette voie, il est nécessaire d’avoir 10 points dans chacun des quatre indicateurs (biodiversité, phytosanitaire, fertilisation, irrigation). Ceci étant, « des niveaux d’exigence très variables entre les indicateurs, et bien que la plupart des items soient intrinsèquement intéressants, les multiples possibilités d’obtenir des points et les systèmes d’équivalence retenus, en particulier pour la comptabilisation des haies, aboutissent à un niveau d’exigence environnementale au final très faible, et de fait très peu à même de transformer les systèmes agricoles vers une plus grande durabilité », soulignent les auteurs.
Si l’on prend l’exemple des haies, les équivalences retenues pour convertir le linéaire de haies en surfaces sont celles qui existaient pour la conditionnalité de la Pac entre 2007 et 2013. Ainsi, le coefficient est 10 fois plus favorable (1 m linéaire = 100 m2) à celui en vigueur actuellement dans le cadre du verdissement à l’échelle européenne, et qui devrait être repris dans la future conditionnalité (1 m linéaire = 10 m2), nous explique l’IDDRI.
Et de conclure qu’un avantage doit être reconnu aux certifications plus robustes, en particulier l’agriculture biologique et l’agriculture à haute valeur naturelle notamment centrée sur l’élevage extensif à l’herbe….

Promotion de masse

Malgré cela, le Label HVE se déploie aujourd’hui à grand renfort de communication, de publicités et de soutiens publics. Et dans la restauration collective, la filière s’organise souvent au détriment de la structuration des filières biologiques et locales, quand on sait que HVE et même la certification environnementale de niveau 2 offre accès aux « 50% de produits durables » imposés par la Loi EGALIM!
Au-delà de l’accès aux cantines avec Egalim et de l’éco-régime de la PAC, HVE bénéficie également depuis l’an dernier d’un crédit d’impôt de 2500 €, d’ailleurs cumulable au crédit d’impôt AB.

« Crise » de la filière bio ?

Les conditions climatiques de cet été et les conversions bio des années précédentes ont conduit en 2021 à une production de lait bio très dynamique. La croissance de la consommation à, quant à elle pour la première fois fortement ralentie et d’une façon si inattendue que la crise « post-covid » ne suffit pas, seule, à l’ expliquer. C’est bien la multiplication des messages publicitaires sur les différent labels, HVE, filière bas-carbone qui vient perturber les consommateurs dans ses actes d’achats responsables. Tous les acteurs de la filières, industriels, coopératives, avaient prévu une augmentation de la production et de la consommation aujourd’hui remis en cause et nous connaissons une crise naissante qui sera, on ne le sait pas encore, ou conjoncturelle ou structurelle ; mais il est temps de remettre une communication nationale positive sur les produits laitiers biologiques qui replace les efforts environnementaux des producteurs à leurs justes places.
Prenons garde de ne pas casser un modèle plébiscité par les producteurs et les consommateurs, construit patiemment au fil des années par ces derniers, au profit d’un label moins disant sorti des bureaux du Ministère.

N’oublions pas que nos labels sont avant tout destinés au consommateur. L’agriculture biologique coche toutes les cases tant pour ses bienfaits pour la santé humaine que pour la durabilité environnementale. Les mesures pour stimuler sa consommation et stimuler sa production doivent être amplifiées, et non freinées au profit d’autres labellisation, au nom de l’efficacité environnementale et de la justice sociale.

Article co-écrit par les membres du bureau de Bio en Grand Est

Bio, AOP, Agriconfiance, HVE… Quels sont les impacts des démarches de durabilité alimentaire ?
Étude menée par Greenpeace, le WWF, le BASIC publiée en juin 2021.

Depuis plusieurs années, les démarches de « durabilité alimentaire » se sont multipliées : labels, certifications, marques privées, démarches de progrès… Le hic c’est que certaines de ces démarches soi-disant vertueuses captent certains fonds dédiés normalement à des modèles durables sous couvert de démarche « écologique ». Or, il n’existe pas à l’heure actuelle d’étude analysant de façon systémique les impacts sociaux, économiques et environnementaux engendrés par les différentes démarches de « durabilité alimentaire ».
C’est pour répondre à ce besoin que Greenpeace France, le WWF-France et le BASIC ont réalisé cette étude.

Nous vous avons mis ci-dessus la représentation graphique des résultats pour le label Bio et la démarche HVE :

Retrouver la méthodologie utilisée, et l’ensemble des résultats sur : https://cutt.ly/mnCdFQN

 

 

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