Peux-tu nous présenter ton parcours ?
Originaire de Coupéville, j’ai été comptable pendant 12 ans jusqu’en juillet 2013. J’ai passé en parallèle un BPREA en 2006 et 2007 et me suis installé dès 2011 sur une exploitation en Agriculture Biologique à Prunay (51). En effet, Christian LEBEUF cherchait un jeune à installer sur son exploitation où perdurerait l’activité bio. De plus, je prenais également sa suite en tant que président du Syndicat Régional des Producteurs de Lentillons de Champagne (SRPLC), continuant les démarches pour l’obtention d’une IGP pour le lentillon de Champagne. Ensuite, en 2016, j’ai eu l’opportunité de reprendre l’exploitation de mes beaux-parents à Beine-Nauroy. Cette exploitation a été convertie en Agriculture Biologique de 2011 à 2016.
Pourquoi avoir fait le choix de la bio et ensuite celui de la biodynamie ?
Mon cousin était agriculteur bio à Coupéville depuis les années 1985 et il a ensuite dû arrêter en 2000 à la suite d’une reprise de surfaces. J’avais pour habitude de venir aider de temps en temps. Par exemple, j’ai toujours consommé du pain bio depuis mes 15 ans, même si cela impliquait que je ne mange pas le même pain que le reste de la famille. De plus, je n’ai jamais été attiré par le pulvérisateur et ne voulait pas la contrainte des produits. Lors du BPREA, pour le projet de reprise de la ferme de mes beaux-parents, je me suis dit qu’il fallait passer en bio. Par ailleurs, le contexte économique est plus stable en bio, au même titre que les fermes d’élevages. J’ai notamment pu attester en comptabilité que les fermes bio étaient plus résilientes. Enfin, je me posais des questions pour passer à la biodynamie quand Celnat m’a demandé si je pouvais y passer vis-à-vis des débouchés.
Quelles sont tes productions et tes débouchés ?
Ma rotation dure entre 10 et 11 ans et est constituée selon le schéma suivant :
En particulier pour les blés, je produis moitié de la surface avec des variétés paysannes. Toutes mes productions sont contractualisées avant moisson. J’ai des débouchés à Cérèsia, Celnat (céréales), Luzeal (luzerne déshydratée), Sodialis (alimentation pour volailles), La Chanvrière (chanvre) et Lemaire Deffontaines (contrat de semences). Enfin, je vends en direct les lentillons et les pommes de terre.
Que penses-tu de l’Agriculture Biologique dans le contexte actuel ? Que dirais-tu à ceux qui réfléchissent à passer en bio ?
Je pense qu’il y a encore de la place pour tout le monde. Certains assolements avec de l’avoine ou de l’épeautre vont devenir difficilement réplicables car ce sont des petits marchés. Cependant, d’autres marchés se développent.
Pour ceux qui envisagent le passage en AB, je dirais : renseignez-vous, visitez ! Il ne faut pas vouloir reproduire en bio ce que vous faites en conventionnel. De plus, il faut être innovant (ex : sur la robotique).
Quelle est la place de la biodiversité sur ton exploitation ? Quels aménagements as-tu déjà réalisé et y en a-t-il d’autres qui sont prévus ?
Sur le site de Prunay, il y a environ 4 hectares de haies et de bois ; tandis que sur le site de Beine-Nauroy, j’ai le projet d’installer entre 2,5 et 3 km de haies. Cela servira notamment de protection vis-à-vis des parcelles voisines menées en agriculture conventionnelle.
Par ailleurs, je travaille depuis la saison 2016-2017 à sauvegarder et à développer la biodiversité cultivée sur mon exploitation. J’ai ainsi entrepris de planter une plateforme de conservation de blés paysans, ainsi que dans une moindre mesure d’orges d’hiver et d’avoine. La plateforme comportait cette année 64 blés anciens cultivés en micro-parcelles. Les semences proviennent en grande partie du Centre de Ressources Biologiques (CRB) Céréales à paille de l’INRA de Clermont-Ferrand, mais également d’un paysan-boulanger voisin pour 6 variétés.
J’ai choisi de cultiver mes variétés sous formes de mélanges afin de limiter les risques de pertes et de favoriser des productions plus stables. Le mélange permet de valoriser la complémentarité des variétés notamment en termes de résistances. Les cultures pures sont multipliées dans les micro-parcelles et ensuite mélangées dans les champs. J’ai ainsi 4 mélanges différents, réalisés sur des gradients de hauteur notamment, cultivés aujourd’hui sur une dizaine d’hectares et vendus à Celnat.
La mise en culture en micro-parcelles nécessite de l’investissement en temps, en argent (de 1500 à 2000 € entre le semis et la récolte) et de la rigueur. Sur de très petites surfaces, la récolte doit s’effectuer à la main. Puis, après multiplication, sur des surfaces plus grandes, il est possible d’utiliser du matériel spécifique (ex : semoir d’expérimentation, batteuse à bottillons, …), toutefois coûteux. Dans le cadre du projet de développement des semences paysannes en Champagne-Ardenne (piloté par Bio en Grand Est, en partenariat avec l’Ardear et Espol, et financé par l’Agence de l’Eau Seine Normandie), il serait intéressant que la structuration d’un collectif permette de rendre accessible ce type de matériel pour le commun.
Quels sont tes futurs projets ?
A court terme, j’ai le projet de mettre en place un atelier d’élevage sur ma ferme. Ce serait potentiellement un atelier ovin, peut-être 300 brebis pour la viande. Je me renseigne également pour un atelier volaille pour la viande également, le marché des œufs étant plus compliqué actuellement. Enfin, à plus long terme, je réfléchis à un projet de meunerie sur la ferme. J’ai 3 enfants de 9, 11 et 15 ans. Mon objectif est d’offrir la possibilité à un ou à l’ensemble de mes enfants de s’installer sur l’entreprise s’ils le souhaitent.