Chacun suit son propre parcours pour arriver à l’agriculture biologique. La stratégie de conversion est également propre à chaque ferme et à chaque producteur.
Nous vous proposons ici une interview croisée de Guillaume PALIN du GAEC de la Vallée de l’Aire à Nicey-sur-Aire (55) et de Sébastien SCHMITT du GAEC des Raillis à Nançois-le-Grand (55).
Quand avez-vous démarré votre conversion et quel type de conversion avez-vous choisi ?
Guillaume : « Je me suis installé en septembre 2011 en GAEC avec mon oncle. On a commencé la conversion non simultanée de la ferme au 15 mai 2018. » Sébastien : « On a commencé la conversion simultanée de la ferme en 2010. A l’époque nous avions 250 ha de céréales et 120 ha d’herbe. Aujourd’hui, nous avons 100 ha de prairies permanentes, 100 ha de prairies temporaires dont 30ha de trèfle non exporté et 170 ha de céréales et oléo-protéagineux. » |
On parle de conversion simultanée lorsque les animaux et les terres de la ferme sont engagées en même temps en conversion. Dans le cas où le producteur engage sa conversion en deux temps : les terres puis le troupeau, il s’agit d’une conversion dite non simultanée. En savoir plus |
Comment est venue la réflexion du passage en AB ?
Sébastien : « Plusieurs constats nous ont fait passé le cap du bio : En 2010, nous avons eu des très bons rendements en céréales mais les prix des céréales se sont écroulés en conventionnel, donc on a fait le bilan et les factures d’engrais pesaient lourds dans la compta en fin d’année. A cette époque, nous avons des terres superficielles et un système céréalier déjà extensif avec une rotation diversifiée en conventionnel. En élevage, on s’intéressait déjà pas mal à l’homéopathie, on faisait du pâturage de manière extensive. On avait aussi commencé la vente directe et les consommateurs nous ont incité au bio. Et puis, on avait un bio historique dans le village, Claude Orbion, et les échanges avec lui – de savoir et de matériel nous ont bien fait avancer dans notre réflexion concrète. On a fini par faire une étude technico-économique rapidement avec Aurélie Billon (GAB 55-CDA55) et puis on y est allé parce qu’on en avait vraiment envie. On n’y est pas allé uniquement pour des raisons de subventions ! » | Sébastien SCHMITT (à droite) avec ses associés. |
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Guillaume : « Mon père et mon oncle avaient eu la réflexion du passage en AB il y a 25ans, mais ils n’avaient pas passé le cap, en voyant les filières pas assez structurées. Moi j’y ai pensé dès mon installation mais je n’ai pas voulu tout faire en même temps, l’installation et le passage en AB. Mais j’y toujours cru, et puis dans mon ancien travail j’étais conseiller financier agricole, donc ça m’a permis de voir beaucoup de systèmes différents dont des bio. Et enfin je ne me voyais pas monter sur le pulvé ni le faire faire à quelqu’un d’autre. La réflexion du passage concret en AB, a pris 3 ans sur notre ferme. Ce qui a permis de passer le cap facilement en 2018, c’est aussi que mon oncle a tout de suite adhéré au projet. D’ailleurs il prend sa retraite l’année prochaine parce qu’il est physiquement au bout, mais il me dit que s’il pouvait continuer ce serait avec motivation grâce au passage en AB ! » |
Quelles ont été vos démarches vers le bio ?
Sébastien : « Claude Orbion, l’agribio historique du secteur nous a beaucoup rassuré. Pour construire notre rotation, on était allé en discuter avec lui et il nous avait dit : et bien j’aurai pas fait mieux, allez-y les gars ! Après, une fois la décision prise, nous avons passé tout l’hiver en formation et on a fait beaucoup de visites de fermes bio. »
Guillaume : « Moi ce sont les partenaires des filières qui m’ont épaulé techniquement dans ma conversion : la laiterie et Probiolor mais aussi les relations avec les autres agribios que j’ai rencontré. »
Quel regard portez-vous sur votre conversion et quels conseils donneriez-vous à des agriculteurs en réflexion pour une conversion ?
Sébastien : « Des conseils, j’en ai pas ! La bio c’est technique, et ce n’est pas l’enseignement agricole qui te l’apprend, donc pendant les 2 à 3 ans de conversion il faut en profiter pour se déformater et aller à fond en formation ! Le seul regret aujourd’hui, c’est qu’on aurait dû y aller plus tôt ! Les gamelles on ne les regrette pas, ça fait partie du jeu !! »
Guillaume : « J’étais destiné à être seul sur la ferme laitière une fois la retraite de mon oncle prise, mais finalement avec le passage en bio, mon frère est intéressé pour revenir sur la ferme avec moi et envisager une installation ! La conversion au bio n’y est clairement pas pour rien !
Ce que je ne referai pas c’est une conversion non simultanée en système laitier. Je conseille la conversion simultanée pour une simplification des pratiques (gestion des stocks fourragers) et pour mieux valoriser les réformes laitières (la viande est bio au bout de 24 mois, au lieu des ¾ de vie de l’animal en non simultanée). Les mois que je croyais avoir gagné pour la certification de mon lait bio (18 mois versus 24 mois en conversion simultanée) je les perdu en gestion des stocks fourragers (j’avais encore trop de C1 à consommer sur la ferme, or je ne pouvais pas les faire consommer par les animaux à plus de 20% de la ration). La certification de mon lait en bio a été décalé dans le temps. Si je refaisais une conversion non simultanée, je commencerai ma conversion plus tôt, c’est-à-dire début avril au lieu de la date du dépôt des dossiers PAC au 15 mai, pour pouvoir utiliser mon foin récolté au début de 2ème année de conversion pour les animaux l’hiver sans limite. »
Conversion simultanée ou non simultanée : en savoir plus
Sébastien SCHMITT GAEC des Raillis – Nançois-le-Grand 55500 |
Guillaume PALIN GAEC de la Vallée de l’Aire – Nicey-sur-Aire 55260 |
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4 UTH – dont 3 associés (frères et sœur) SAU Totale : 370 ha. dont 270 ha de terres labourables (100 ha de prairies temporaires), 100 ha de prairies permanentes Cultures de vente : Probiolor 180 VA dont 55 mères. Vente directe 80 porcs (2018). Projet : 16 truies et 300 porcs Vente directe |
2.4 UTH – 2 associés (neveu et oncle) SAU Totale : 186 ha. dont 155 ha de terres labourables (60 ha de prairies temporaires), 31 ha de prairie permanentes Cultures de vente : Probiolor 45 à 50 VL vente du lait à ULM |