4 années… Depuis 2016, le Grand Est connait des sécheresses récurrentes, affaiblissant chaque fois un peu plus le stock chez les éleveurs. Nombreux sont ceux obligés soit d’acheter du fourrage, parfois à prix d’or, soit de décapitaliser des bêtes, pouvant ainsi mettre en péril le renouvellement du cheptel. Le constat fait par les administrateur.rice.s et les salarié.e.s de Bio Grand Est est simple . Nous ne pouvons plus nous contenter de réagir « en pompier » à la situation climatique. Celle-ci tend à devenir la norme et il nous faut nous adapter pour pouvoir continuer.
Bio Grand Est a donc mis en place 5 journées de réflexion réparties sur toute la région (à Poix Terron (08), Badmenil aux Bois (88), Euville (55), Weyer (67) et Bernwiller (68) ) pour pouvoir analyser ensemble les causes de la non résilience des élevages vis-à-vis du changement climatique et surtout déterminer quels pouvaient être les leviers d’action à enclencher. Ces journées ont rassemblé une soixantaine de producteurs (éleveurs et céréaliers) intéressés par la problématique.
Les raisons des difficultés des éleveurs
Les participants se sont d’abord attachés à faire ressortir les causes expliquant la situation. Celles-ci peuvent se regrouper sous 6 grandes explications.
– des causes liées au climat : sécheresses de plus en plus récurrentes entraînant un manque d’eau ayant un impact très négatif sur la pousse de l’herbe et l’abreuvement des animaux, une baisse du volume neigeux, le vent séchant) ;
– d’autres liées aux techniques animales : races non adaptées, chargement trop important, mauvais rationnement, des animaux qui s’adaptent mal à la sécheresse entraînant problèmes de fertilité, de qualité des produits…) ;
– des techniques végétales ont également été mis en exergue : plantes non adaptées au climat, choix de techniques culturales non adaptées, mauvaise préparation du sol, baisse de l’activité biologique des sols ;
– des causes liées au territoire : sols qui ne stockent pas suffisamment l’eau, sols superficiels, érosion, dégâts de sangliers, concurrence forte sur le foncier) ;
– des choix politiques avec principalement la concurrence de la méthanisation ; la suppression des aides au maintien fragilise l’équilibre économique des fermes. Il a été évoqué l’inadéquation entre les besoins techniques (ex : faucher tôt) et les demandes règlementaires liées à la biodiversité (ex : faucher tard).
– des causes économiques : les changements sur la ferme (moins d’animaux, achat de fourrage..) engendrent des problèmes économiques; le prix élevé des fourrages. Le prix des produits bio a également fait l’objet de discussions.
Les pistes de solutions
Nous nous sommes ensuite penchés sur les solutions à mettre en place. Les participants ont classé par priorité ces dernières.
Les solutions qui ressortent en priorité sont les solutions techniques. Il a été discuté de l’intérêt de mettre en place des expérimentations sur de nouvelles productions (sorgho, sylphie). Le but est de les introduire dans les rotations. Les participants ont exprimé une demande d’approfondissement des connaissances sur les mélanges d’espèces prairiales. Il faut améliorer les façons de récolter . En parallèle, les techniques de production sont à repenser (cycle court, mise en place de méteil d’hiver…). Le pâturage tournant dynamique se développant bien en ce moment. Mais il doit s’étendre encore plus dans les pratiques des éleveurs. Au niveau des animaux, une réflexion sur la baisse des chargements doit être menée, ainsi que la recherche de races plus rustiques, mieux résistantes au changement climatique. Il serait intéressant de développer les essais sur les croisements de race.
Le deuxième point est de renforcer les échanges entre agriculteurs. Les bourses d’échange sont intéressantes. Proposition a été faite de mettre en place des réunions entre céréaliers et éleveurs d’un même secteur pour développer l’interconnaissance. Le développement des liens avec les exploitations plus au Sud semble être également une solution à mettre en place.
La question de la nécessité d’interdire les subventions aux méthaniseurs est revenue de façon assez récurrente lors de ces journées. Il a été également fait mention de la nécessité d’interdire la vente de fourrage bio aux méthaniseurs.
De façon plus marginale, ont été cités la mise en place d’éléments favorisant la biodiversité (haies, forêt, zone humide) et le développement de l’agroforesterie. Il est demandé également de revoir comment les arbres isolés sont traités dans la PAC. Le développement de systèmes de rigole, de fossés a aussi été mis en avant.
Au niveau économique, l’accent a été mis sur le développement de nouvelles plus-values, la diversification des productions tant animales que végétales. La transformation a été donnée comme solution pour avoir une nouvelle plus value. L’accent a été remis sur la nécessité de payer les produits à leur juste valeur. Il a par exemple était évoqué de lier le prix du lait aux coûts de production.
Sur la partie « eau », finalement peu citée, les participants proposent de développer les points d’eau pour les animaux, de développer les systèmes de récupération d’eau sur les bâtiments agricoles, de créer des retenues d’eau, des retenues collinaires. Les connaissances sur ce sujet sont assez floues. Des producteurs présents souhaiteraient que Bio en Grand Est explorent l’efficacité et les impacts de la construction d’ouvrage de stockage de l’eau en montagne. Une question a été posée sur la possibilité de récupérer l’eau des réseaux de drainage.
Les producteurs ont également souligné le problème de la chasse. Ils souhaiteraient que le réseau Bio en Grand Est s’implique dans les décisions concernant le schéma cynégétique.
Les chargé.e.s de mission de Bio Grand Est ont ensuite repris les éléments donnés dans les différentes réunions pour construire le plan d’action pour 2021. Des actions de formations, de recensement des expérimentations vont être lancées. Un recensement des éleveurs en difficulté et prêts à contractualiser va être fait pour organiser des réunions « petites régions ». Bio Grand Est va poursuivre le travail sur les coûts de production. Il sera également rappelé à chaque occasion que le réseau se positionne contre la subvention aux méthaniseurs. Nous avons pu récupérer de la documentation sur les retenues d’eau et une information sera faite sur ces dernières.
Nous remercions chaleureusement tous les producteurs qui sont venus participer à ces journées. C’est grâce à vous que nous pouvons construire le travail de Bio en Grand Est !