Le verger bio du Grand Est : panorama

Le verger bio du Grand Est : panorama
Le verger bio du Grand Est : panorama

Cet article « arboriculture », c’est l’occasion de se poser : faire un point sur les chiffres, les réglementations et actions en cours. C’est l’occasion pour vous, de voir ce que nous faisons à Bio en Grand Est sur l’arboriculture bio. Laissez-vous guider dans le verger bio du Grand Est : son histoire, les différents systèmes de production, le GIEE BECO en Meuse, avec un petit zoom sur la réglementation « plants bio ».

Un quart du verger français est aujourd’hui cultivé selon le cahier des charges bio. On retrouve cette proportion en Grand Est, avec comme départements les plus concernés la Meuse (525 ha en 2019 avec des grosses surfaces en mirabelles et noix), le Bas-Rhin (385 ha) et la Meurthe-et-Moselle (304 ha).
L’évolution est constante et régulière depuis 10 ans, avec des aides qui soutiennent ces conversions à hauteur de 900 €/ha/an.
En parallèle, le baromètre de l’Agence Bio indique une augmentation de 13% du chiffre d’affaire national en fruits bio entre 2019 et 2020, avec seulement 41% des fruits (en euros) provenant du territoire français : du point de vue du « marché national », il n’y a pas de tension pour de nouvelles conversions. Nous constatons également une demande en fruits bio dans le Grand Est avec quelques indicateurs empiriques : des demandes constantes d’AMAP, des demandes dans la Restauration Hors Domicile, même si les débouchés sont moins évidents lorsqu’on s’éloigne des grandes villes.
Cette année 2021 devrait confirmer les besoins en fruits bio, car les récoltes au niveau national ont été grevées par les gelées tardives, et le printemps humide. En Grand Est, les mirabelliers ont subi des rendements catastrophiques avec certaines zones à -50% et des dossiers « calamités agricoles » en cours d’étude. Certains pommiculteurs en Lorraine ont perdu 50 à 80% de leur récolte. Les dégâts du gel et du printemps humide sont hétérogènes et semblent plus limités sur le verger de pommes alsacien.

Produire des fruits bio en Grand Est : une diversité de systèmes

Dans nos paysages, dans notre imaginaire, il y a le verger amateur avec ses hauts arbres clairsemés et parfois abandonnés d’un côté. De l’autre, il y a le verger professionnel avec ses haies fruitières de petits pommiers densément peuplés. Si cette distinction n’épargne pas la bio, la diversification des fermes, la recherche de biodiversité et les nouveaux circuits de distribution comme les AMAP font éclore de nouvelles perspectives dans la production des fruits bio.
Il y a bien sûr les ha de mirabelliers et quetschiers, avec des arbres demi-tige plantés à 180arbres/ha, taillés en « gobelet », et qui représentent une bonne part de la surface en vergers bio. Cependant, nous nous intéresserons pour la suite aux pommiers et poiriers, qui produisent la majorité des fruits de bouches consommés en bio.

Les vergers palissés ou haute densité

Produire des pommes à croquer de bonne taille, sans tâche, avec un rendement régulier et récolté facilement à la main : voilà les promesses des vergers hautes densités. Ils sont conçus pour optimiser toutes les opérations culturales, et répondre à certains critères de qualités exigés par les consommateurs.
Les arbres de petite taille permettent une récolte manuelle rapide (main d’œuvre : autour de 0,10 €/kg de récolte), des traitements facilités contre la tavelure notamment, mais également une mise à fruits très rapide après plantation (2-3 ans). En bio, on peut même envisager la mise en place de filets protecteurs contre les carpocapses ou la tavelure, pour 12 000 €/ha environ. Ces arbres avec porte-greffe nanifiant sont maintenus par des tuteurs, et plantés très dense (1000 à 2000 pieds/ha). Ils représentent un investissement pouvant atteindre 50 000 €/ha pour un verger irrigué.
Ce type de système représente une grande part des surfaces en conversions bio de pommiers : il faut alors repenser la gestion des adventices (travail et couverture des sols), la gestion des ravageurs (attraction des auxiliaires, traitements à base de plantes et traitements bio), la gestion de la fertilité (apports organiques) et l’éclaircissage (outil darwin par exemple).
Ces plantations peuvent fournir 20-25 t/ha de pommes « à couteaux ». Ainsi, chez Thomas BURGER en Alsace, 50 ha de vergers productifs avec commercialisation en vente directe et circuits courts dégagent un revenu pour 30 UTH : on peut compter 3 à 4 ha de ce type de verger pour faire vivre un agriculteur, en fonction du circuit de commercialisation.

Le pré-verger

Un peu moins productifs, mais pouvant tout de même atteindre 22 t/ha, les vergers de haute tige ressemblent plutôt à ce que faisaient les anciens éleveurs. On les trouve souvent sous forme de « relique » dans des parcs à vaches, mais quelques agriculteurs en replantent aujourd’hui, y compris dans un objectif économique. C’est le cas de Thierry Heins, à Breux (55), qui s’est associé avec Vincent Servais, éleveur bio, pour planter une vingtaine d’ha sur des pâtures. Les vaches font du pâturage tournant, parmi ces 100 jeunes arbres/ha, protégés par des « corsets bovins ».
Sur de grands arbres, les premiers fruits arrivent au bout de 10/15 ans. La plupart ne peuvent plus être cueillis manuellement et il n’est plus question de traiter pour éviter la tavelure : on accepte que 2/3 de la récolte ne soient pas valorisés en pommes à croquer, mais en jus ou compotes.
Ces systèmes répondent aux grandes lignes proposées par la permaculture : plusieurs étages de végétation pour valoriser la lumière, plusieurs cultures sur une même surface, très grande diversité des espèces dans la prairie, association des végétaux et des animaux, absence de travail du sol ; et enfin une place laissée à la biodiversité « sauvage », mais également à la biodiversité cultivée avec des variétés dites « anciennes ».

Les vergers demi-tige, les vergers de « diversification », le vergers permaculturels, les vergers-maraîchers…

Entre les 2 extrêmes présentés ci-dessus, de nombreux modèles ou expérimentations coexistent et forment un verger bio varié sur le Grand Est : 170 fermes bio ont des vergers comme « atelier secondaire ».
Pour s’adapter au changement climatique et répondre à une clientèle en vente directe, de nombreux maraîchers et céréaliers se diversifient par la plantation de fruitiers. Depuis que Bio Grand Est a organisé quelques formations sur le « verger permaculturel », nous avons vu fleurir 4 à 5 projets de ces « vergers diversifiés », encore jeunes, où des espèces différentes se côtoient, et qui intègrent des arbres légumineuses, des petits fruits ou des légumes pérennes.
Comme exemple intermédiaire, nous pouvons également citer ce petit verger rencontré chez Yann DORIDANT, en Meurthe-et-Moselle. Installé depuis 10 ans en maraîchage, Yann a d’abord planté des arbres « demi-tige » et «haute-tige» pour avoir une diversité d’espèces sur un petit espace, et un entretien faible. Il souhaitait également faire pâturer moutons et chevaux. Comme les amapiens voulaient plus de « pommes à croquer », il a planté 600 arbres à 700 arbres/ha, sur porte-greffe M106. Ces arbres en « forme libre » ont été arqués, et Yann espère ne plus avoir à les tailler aujourd’hui, en dehors de quelques tailles d’élagage. Pour la récolte : des échelles de 3,5m suffisent, et il espère obtenir prêt de 20 t/ha (2/3 en pommes à croquer), avec un coût de récolte et d’éclaircissage du double de celui des haies fruitières.
Enfin, pour faire la transition avec le « GIEE BECO » (plus d’information page suivante), citons le système de production des « MIRABIO » en Meuse, qui ont de nombreux pommiers demi-tiges dispersés dans leurs vergers de mirabelles. Cette dispersion empêche toute gestion spécifique des pommiers (pas de traitement carpocapse, tavelure, pas d’éclaircissage), mais permet d’obtenir une régularité de récolte avec prêt de 50 t/an (150 kg/arbre en année normale) destinées à la vente directe.

Plants bio : changement de réglementation

L’arboriculture est concernée par le changement de réglementation qui entre en vigueur en janvier 2022 : il n’y aura plus de « dérogation systématique » pour l’achat de plants conventionnels.
L’objectif est d’atteindre en 2035 le même système que celui pratiqué pour les cultures annuelles : les producteurs vérifieront la disponibilité en semences biologiques sur le site www.semences-biologiques.org et ne pourront bénéficier d’une dérogation qu’en cas d’un manquement de l’offre.
D’ici-là, pour ajuster offre et demande, il sera demandé aux arboriculteurs ayant le projet de (re)planter de faire une demande 18 mois à l’avance. Cependant, la plateforme de demande de dérogation étant encore en construction, cette obligation devrait pendre encore un peu de temps.
Côté pépiniéristes, des freins sont encore à lever : gestion phytosanitaire, disponibilité des porte-greffes bio, gestion de l’enherbement… Peu de pépiniéristes pour les professionnels se sont engagés en bio pour le moment, et cela demandera un travail de coordination de la filière.

 

Que fait le réseau pour les arbo ?
Adhérer à Bio en Grand Est, c’est aussi adhérer à la FNAB et soutenir son travail pour la filière arboriculture bio :
– recherche d’alternatives au Spinosad,
– coordination des rencontres régionales PNPP,
– construction du label Bio-Français-Equitable,
– défense du Crédit d’Impôt Bio…
Au niveau régional, vous nous retrouverez dans les actions du Mois de la Bio, une formation « taille des fruitiers en bio » prévue le 8 février 2022 à VALLOIS (54), ou encore la réunion annuelle des arboriculteurs bio du Grand Est en mars prochain.

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