Les espaces tests, encourager l’installation des nouveaux agriculteurs, accompagner la transmission des fermes

Les espaces tests, encourager l’installation des nouveaux agriculteurs, accompagner la transmission des fermes
Les espaces tests, encourager l’installation des nouveaux agriculteurs, accompagner  la transmission des fermes

Depuis une dizaine d’années, de nouveaux lieux hybrides, ni tout à fait exploitations agricoles à proprement parler, ni lieux de formation agricole, fleurissent un peu partout en France sous le nom d’Espaces-Tests Agricoles. Mais qu’est-ce donc que cet ovni dans le paysage agricole français et quelles solutions offre-t-il à ce secteur ? Retour sur un dispositif novateur imaginé pour répondre aux enjeux actuels de l’agriculture.

Les espaces-tests, un outil pour répondre aux enjeux de l’agriculture d’aujourd’hui

Des départs à la retraite non renouvelés

De première occupation des français au début du siècle dernier, le secteur agricole représente aujourd’hui moins de 1,5% des travailleurs du pays. Cette tendance ne s’est jamais inversée et bien que les exploitations aient gagné en surface, le nombre d’agriculteurs ne cesse de s’amenuiser. On estime aujourd’hui que pour une création d’activité, il y a en face deux cessations. Ce non-renouvellement des populations agricoles est d’autant plus préoccupant que le dernier recensement de 2019 constate que 55% des agriculteurs actuels ont plus de 50 ans, beaucoup sans perspective de transmission pour leur exploitation.

De nouveaux agriculteurs aux profils différents

Si par le passé les fermes se transmettaient de père en fils, ce n’est plus vrai depuis quelques décennies déjà. Aujourd’hui, les candidats à l’installation sont pour près de 50% un public dit « hors cadre familial ». Un espoir pour le futur de l’agriculture française qui doit néanmoins s’adapter pour pouvoir les accueillir. En effet, ces nouveaux agriculteurs sont confrontés à de nombreux obstacles que leurs prédécesseurs connaissaient moins : difficultés d’accès au foncier, manque d’expérience et de pratique, méconnaissance du milieu agricole, capacité de financement limité… Face à ces constats, des acteurs du monde rural, inspirés pour partie par des outils développés dans le milieu de l’économie sociale et solidaire (ESS), s’affairèrent à la mise en place d’outils d’accompagnement pour faciliter l’installation de ces nouveaux agriculteurs et compléter les dispositifs d’aides institutionnels existants. L’idée de « tester » son projet agricole avant de s’installer, tout en étant accompagné par des acteurs du territoire, voit le jour. Les espaces-tests proposent ainsi une marche supplémentaire dans le parcours à l’installation agricole.

Depuis 2008, le Réseau National des Espaces Tests Agricoles (RENETA) regroupe une grande diversité d’acteurs : associations de développement agricole et rural, couveuses et coopératives d’activités et d’emploi, chambres d’agricultures, établissements d’enseignement agricole, collectivités territoriales, etc. Tous sont réunis autour d’une charte et de valeurs communes, issus de l’éducation populaire et de l’économie sociale et solidaire, pour accompagner des projets agricoles durables, respectueux de l’humain et de l’environnement. Ces praticiens du test d’activité se réunissent régulièrement pour mutualiser les outils, échanger les pratiques et renforcer les compétences de chacun dans l’accompagnement au test d’activité. Le RENETA compte aujourd’hui une soixantaine de membres en France, dont une cinquantaine d’espaces-tests en fonctionnement.

Le test d’activité, qu’est-ce que c’est ?

Le test d’activité permet de démarrer son activité de production agricole de manière responsable et autonome, dans un cadre sécurisé, tout en étant accompagné. Pouvant durer jusqu’à 3 ans, il permet au testeur d’expérimenter en grandeur nature la réalité du métier d’agriculteur avant de s’installer. Il sert à tester son projet comme ses propres capacités et à décider à terme de la poursuite, de l’ajustement ou de l’abandon du projet agricole. C’est aujourd’hui un des outils faisant partie des Point Accueil Installation et Point Information Transmission coordonnés par les chambres d’agriculture départementales.
Présents partout en France, les Espaces Tests revêtent des réalités très différentes selon les territoires et les acteurs impliqués dans le dispositif. On trouve ainsi des espaces tests proposant des expériences « clés en main » mettant à disposition foncier et matériel comme des espaces-tests « éphémères », menés par les porteurs de projet directement sur leur futur lieu d’installation.
Il regroupe, quelle que soit sa forme, 4 fonctions :
1. La fonction couveuse : qui permet l’hébergement juridique, fiscal et financier de l’activité développée. Cette fonction permet au futur agriculteur de produire tout en ayant un statut. En pratique, une couveuse d’entreprise ou une CAE (Coopérative d’Activité et d’Emploi) porte la responsabilité légale de l’activité testée et s’occupe de toute la partie administrative, comptable et fiscale. Cela permet au futur exploitant d’avoir un statut sans pour autant créer sa propre structure.
2. La fonction pépinière : elle correspond à la mise à disposition des moyens de production. L’espace-test va ainsi pouvoir fournir, selon les territoires et les ressources mobilisées, un terrain, du matériel, mais aussi des débouchés commerciaux.
3. La fonction accompagnement (et coordination) : elle permet de faire un suivi et un accompagnement adapté au projet et à la personne. Cet accompagnement peut être technique (technique culturale, conduite d’un élevage) comme entrepreneurial (comptabilité, gestion clientèle, choix de commercialisation), mais aussi humain (médiation dans le cadre d’une transmission, intégration au milieu paysan). La fonction coordination, souvent moins visible, permet d’assurer le bon fonctionnement interne de l’espace-test.

Les espaces-tests du Grand-Est

Aujourd’hui, 3 espaces-tests sont en fonctionnement en Grand Est, les espaces-tests étant de plus en plus sollicités par les collectivités comme levier à l’installation agricole.

L’espace test alsacien

Dès 2012, Terre de Liens Alsace, l’OPABA et des acteurs de l’ESS (la couveuse Hopla et la CAE Antigone) veulent se saisir de ce nouvel outil et créent un dispositif local réuni sous l’association « Espaces Test Bio en Grand Est ». L’association a pour objectif de porter des tests, mais aussi de faire la promotion de l’outil espace test dans l’ensemble de la région et de permettre un échange entre les différents projets existants et en réflexion. Le nom choisi pour l’association montre la volonté de porter, à terme, des tests agricoles sur l’ensemble de la région Grand Est, et pas seulement en Alsace. Le membre fondateur OPABA a d’ailleurs laissé sa place à Bio en Grand Est dans la co-gestion de l’association. Depuis 2015, l’association a accompagné 15 testeurs sur toute l’Alsace, portant des projets bio aussi divers que du maraîchage, de l’apiculture, de l’héliciculture, ou encore des projets en sève de bouleau, chez les porteurs de projet directement ou des paysans accueillants.

ENVOLS, l’espace test de Metz

La métropole de Metz s’est associée dès 2018 à la CAE, Cap’entreprendre et l’EPLEFPA de Metz Courcelles-Chaussy pour répondre aux enjeux alimentaires et agricoles de son territoire. ENVOLS met à disposition des parcelles ainsi que du matériel pour accueillir jusqu’à 3 maraîchers souhaitant se tester aux portes de Metz.

Fayl-Billot, le dispositif de pré-installation de Haute Marne

L’exploitation de L’EPLEFPA de Fayl-Billot, outil de production à vocation pédagogique, dispose de terrains sous abri et de parcelles de pleine terre pour ses diverses productions, en lien avec les formations de l’établissement : floriculture, pépinière, production d’osier et maraîchage biologique. Cet espace-test peut accueillir jusqu’à 3 testeurs par an pour des projets en maraîchage biologique.

En pratique, comment ça marche ?

La procédure décrite ci-dessous concerne le collectif « Espaces Test Bio en Grand Est », qui est co-géré par Bio en Grand Est et qui, pour l’instant, porte surtout des tests en Alsace, mais a vocation à essaimer dans l’ensemble de la Région.

Pour les testeurs

Les porteurs de projet intéressés par le test doivent souscrire à plusieurs conditions : avoir une formation agricole préalable (conseillé BPREA) ou une expérience professionnelle avérée dans le domaine, avoir identifié un lieu-test, et porter un projet en agriculture biologique, ou à minima s’engager dans le processus de conversion.
Le collectif et ses partenaires se mobilisent alors pour définir avec le porteur de projet les objectifs du test, qui peuvent être de toute nature : confronter une idée à une réalité professionnelle et sociale, mettre en pratique ses connaissances, s’intégrer dans le tissu agricole local, vérifier la faisabilité technico-économique du projet, démarrer les démarches d’installation, explorer les pistes financières mobilisables.
Une fois l’accompagnement défini et les engagements des différents acteurs impliqués contractualisés, le porteur de projet peut démarrer son test en autonomie. Sur une période allant jusqu’à 2 ans, le testeur va développer son activité sous un statut d’entrepreneur à l’essai (octroyé par un Contrat d’Appui au Projet d’Entreprise ou « CAPE »), qui va lui permettre d’héberger son activité au sein de la Coopérative d’Activité et d’Emploi. A l’issue du test, le porteur de projet a la possibilité de devenir entrepreneur-salarié, comme de quitter le dispositif pour s’installer en indépendant.

Pour les accueillants

Accueillir un jeune sur sa ferme, que ce soit pour préparer sa transmission ou tester une association, passe avant toute chose par une définition des enjeux pour l’accueillant. Dans le cadre d’une transmission, l’Espace Test et ses partenaires vont pouvoir réaliser un diagnostic transmission complet, qui aborde les aspects agricoles purs, les questions de patrimoine, mais aussi les valeurs chères à l’agriculteur cédant qu’il souhaite transmettre. La phase de pré-projet débouche sur la signature d’un contrat d’engagement entre l’accueillant et le repreneur, qui reprend les objectifs de chacun. Le foncier nécessaire au test fait l’objet d’un contrat de mise à disposition d’un an renouvelable, sécurisant l’agriculteur en place et garantissant une réversibilité du test. Selon les projets, le testeur peut être en charge d’un atelier à 100%, ou créer son propre atelier, afin d’acquérir une véritable autonomie dans sa pratique, y compris financière. Des outils sont mis en place afin d’assurer une transmission progressive de la ferme.

Pour toute question, vous pouvez contacter l’animatrice Kim STOECKEL : 06 41 98 70 09

Retrouvez le témoignage de Bertrand Tournaire qui a collaboré avec l’espace test pour son projet ICI

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