Partenariat éleveur – céréalier : Quand l’un mène son troupeau sur les terres de l’autre

Partenariat éleveur – céréalier : Quand l’un mène son troupeau sur les terres de l’autre
Partenariat éleveur – céréalier : Quand l’un mène son troupeau sur les terres de l’autre

Lembach est à une vingtaine de kilomètres de Seebach dans le nord de l’Alsace… C’est pourtant à Bourg-lès-Valence dans la Drôme, que se sont rencontrés Vincent HELBRINGER et Daniel STARCK, au détour d’un stand du salon Tech&Bio en 2020.
Vincent y présentait les poulaillers mobiles qu’il utilise et Daniel était à la recherche d’innovations pour le tri et le séchage des grains. On peut dire que tous les éléments étaient réunis pour qu’ils parlent de… pâturage des inter-cultures par les moutons !

Daniel STARK

D’où est venue cette idée ?

Daniel : « L’idée me trottait dans la tête depuis un moment mais je ne connaissais pas d‘éleveur intéressé dans mon secteur. »
Vincent : « De mon côté, les cultivateurs autour de chez moi préfèrent broyer leurs intercultures. Je n’arrivais pas à trouver de collègue pour tenter l’expérience. J’ai transféré les animaux de Lembach à Seebach en 3 voyages de bétaillère. On a laissé 32 agnelles d’avril 2020 à janvier 2021 chez Daniel. Elles ont circulé sur plusieurs parcelles (au total environ 10 ha). »

 

 

 

Concrètement, comment avez-vous géré la rotation du troupeau ?

Vincent HELBRINGER

D : « On a démarré par une parcelle de blé / trèfle violet dans l’Idée de faire brouter le trèfle et de déprimer le blé. Puis les animaux ont tourné sur d’autres parcelles : de la prairie temporaire (luzerne), des friches (herbe spontanée), un essai de maïs associé (soja, pois,…) qui n’était pas concluant, des méteils (seigle, orge, avoine, pois). »
V : « J’ai déplacé le troupeau à pied tous les 15 jours en moyenne. Ces parcelles n’étant pas prévues pour accueillir des animaux, on utilise des clôtures mobiles avec batteries. Ce n’est pas un problème en termes d’équipement et, pour le coup, ça n’a pas augmenté ma charge de travail sur cet aspect. C’est comme une mini-transhumance à chaque fois. Daniel a même participé à l’un des déplacements. Ça lui a bien plu cette petite expérience de berger ! »
D : « Oui ! Et l’été 2020 a été chaud. Pour que Vincent ne se déplace pas trop souvent à Seebach, j’ai géré le remplissage des abreuvoirs à plusieurs reprises. »
V : « Ça a été un énorme coup de pouce car l’aller-retour prend malgré tout 1h30 ! Même si j’ai choisi des animaux qui ne demandaient pas trop de suivi, c’était nécessaire que Daniel puisse être un peu présent. Un autre gros avantage à utiliser des parcelles qui n’ont pas d’historique d’élevage, c’est qu’elles sont indemnes de parasites. Ça facilite vraiment le suivi du troupeau, je n’ai pas eu de déparasitage à réaliser. Je dois même dire que ce sont les plus belles agnelles que je n’ai jamais eues ! Elles ont consommé beaucoup plus de légumineuses que ce qu’elles auraient consommé sur mes prairies naturelles. Elles ont été chouchoutées chez Daniel qui a encore des haies en bordure de certaines parcelles, ce qui leur a apporté l’ombre nécessaire au moment des fortes chaleurs. »

Quels enseignements retirez-vous l’un et l’autre de cette expérience ?

D : « Il faut bien anticiper et planifier l’arrivée des animaux en sortie d’hiver. Pour cette première expérience, les moutons sont arrivés une semaine avant Pâques 2020 : c’était un peu trop tard par rapport au développement du blé. »
V : « C’est la problématique de la tonte des animaux qui a empêché de les amener plus tôt. J’avais besoin que la laine ait suffisamment repoussé et c’était trop juste cette année-là. Pour une prochaine tentative, c’est un point que l’on anticipera. »
D : « Le deuxième paramètre à améliorer, c’est le nombre d’animaux et la durée de pâturage de la parcelle. Lors de cette première tentative, on s’est rendu compte qu’il n’y avait pas assez d’animaux pour gérer le développement des cultures. Ils sont restés un peu trop longtemps et ont provoqué des dégâts sur le blé (mangé épis / jeunes pousses). En théorie, le déprimage du blé permet de stimuler la culture. Mais on l’a fait trop tard et trop longtemps. Ça n’a pas été concluant. »
V : « Il faut aussi prendre en compte les contraintes à la sortie d’hiver : si le sol est trop mouillé, il y a un risque de piétinement. »

Envisagez-vous de retenter l’expérience ?

D : « Oui, bien sûr. Mettre des moutons sur les parcelles m’évite de broyer. Ça économise une intervention mécanique. En termes de travail du sol (en fonction de la période – par exemple pour des couverts d’été), incorporer les déjections avant les cultures d’automne est plus facile que le couvert broyé mais une seule fois ne suffit pas pour juger de l’avantage de la fertilisation par les animaux contre l’incorporation de la matière organique, comme je fais habituellement. »
V : « Je souhaite aussi continuer ce type de partenariat. Il faudra trouver les bonnes circonstances et avoir plus de moutons. Même si cela représente une charge de travail plus importante pour l’éleveur, il faut beaucoup de moutons qui interviennent rapidement et peu de temps sur chaque parcelle. En 2021, j’ai été tellement débordé à gérer l’herbe sur mes propres parcelles que l’on n’a pas retenté avec Daniel. Il faudrait prévoir de pouvoir laisser les animaux toute l’année. A long terme, Daniel pourrait envisager systématiquement une part de prairies temporaires dans sa rotation. Et pour moi, l’idéal serait évidemment que les parcelles soient regroupées. Peut-être en cherchant d’autres céréaliers qui soient dans le même village pour grouper l’offre ? »
D : « D’ailleurs, un autre céréalier de Seebach a proposé des surfaces suite à cette expérience. Je vois ce système comme une opportunité de bénéficier de déjections animales gratuitement et aussi d’avoir un peu d’animaux sur la ferme. On pourrait même imaginer un éleveur qui monte un élevage avec ce modèle : en faisant uniquement pâturer sur des fermes sans animaux. »

 

Cet article est rédigé dans le cadre du projet Klimaco, pour une meilleure résilience des élevages face au changement climatique. Financé par le FEADER, dans le cadre du programme Interreg.

N'hésitez pas à partager cet article à vos amis !
error