Rencontre avec Quentin DELORME, éleveur d’Aubrac à Poix Terron (08)

Rencontre avec Quentin DELORME, éleveur d’Aubrac à Poix Terron (08)
Rencontre avec Quentin DELORME, éleveur d’Aubrac à Poix Terron (08)

Quel a été ton parcours ?

Concernant mes études, j’ai commencé par un Bac STAE puis un BTS Gestion et Protection de la Nature. Ensuite j’ai réalisé une Licence Professionnelle Diagnostic et Suivi Agro-environnementaux. Enfin pendant que je travaillais déjà j’ai obtenu un Master de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes dont le sujet d’étude portait sur la taxonomie et l’écologie des cigales de Nouvelles- Calédonie.
Professionnellement, j’ai commencé comme assistant de recherche au CNRS où je travaillais sur l’écologie des oiseaux et mammifères marins dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises, avant d’être contrôleur de pêche à bord de palangrier sur l’Océan Austral. Après, j’ai travaillé pendant 7 ans dans des bureaux d’étude où je réalisais des études d’impact.
Dans les études d’impact on te demande des choses qui ne servent pas toujours à grand-chose, ou bien qui ne sont pas lues ou mal lues, pas suivies ou parfois sans fondement scientifique. Les clients sont stressés à cause de l’administration et ce n’était pas agréable de travailler pour eux. J’avais l’impression de ne pas vraiment travailler, de produire quelque chose. Cela manquait de sens. En plus, j’habitais en Sologne et la région ne me plaisait pas.
Je suis donc revenu sur mes terres natales dans les Ardennes et je suis allé rendre visite à Jean-Marie Oudart, agriculteur à Poix Terron et cousin germain de mon père, pour avoir des informations sur les démarches et l’installation en agriculture paysanne. A ce moment, je ne savais pas encore vraiment ce que je voulais faire, je cherchais un projet. Huit mois après je suis revenu le voir pour lui proposer de reprendre sa ferme. Et il a accepté. Après un an de formation aux côtés de Jean-Marie financé par le pôle emploi je me suis installé le 1er avril 2018.

Pourquoi être revenu à l’agriculture ?

C’est un des métiers qui a le plus de sens. J’ai toujours été attiré par le métier de paysan, travailler la terre et élever des animaux. Je me suis dit qu’en intégrant le monde agricole je serais maître de ma centaine d’hectares où je pourrais avoir un impact positif pour moi-même, l’environnement et les citoyens. Et ce serait toujours 100 hectares de retirés à la chimie !

Pourquoi avoir fait le choix du bio et quels changements cela a amené ?

J’ai commencé la conversion le 1er octobre 2017 pendant mon année de formation pour gagner un peu de temps. Ce n’était pas vraiment un choix, c’était évident. Si la ferme ne se convertissait pas, je ne m’installais pas. Symboliquement je n’ai pas repris le pulvé en reprenant la ferme !
En bio, il faut un système cohérent. C’est pour cela que pendant mon année de formation j’ai reconstitué un troupeau allaitant et une troupe ovine car il n’y avait presque plus d’élevage sur la ferme et j’ai remis des surfaces en prairies. C’était fondamental pour l’autonomie en fertilisation.

Quand est-ce que tu t’es intéressé à la plantation de haies ?

Juste avant que je m’installe, il y a eu deux gros orages qui ont entrainé des coulées de boue dans le village et où les agriculteurs ont clairement été montrés du doigt, à juste titre. Je me suis dit que je ne voulais pas être de ceux qui favorisent ces phénomènes. Je veux aller dans le sens de ce que veulent les villageois et les citoyens. En tant qu’occupant du territoire, cela fait partie des services que l’on doit rendre à la population.
Du point de vue de l’agriculteur les haies sont des outils, au-delà de l’aspect biodiversité, qui vont avec l’agriculture biologique au même titre qu’une herse étrille ou un déchaumeur. Il y avait déjà des haies dans les pâtures mais j’ai voulu en remettre dans les cultures : dans les grandes parcelles cela permet de faire circuler les auxiliaires, dans les pentes de limiter les phénomènes de ruissellement et d’érosion. Ce sera également un outil économique, parce qu’avec la vente directe il sera facile de valoriser les fruits des arbres fruitiers (mirabelle, pomme, poire…).
Il y a eu une première plantation de 250 mètres linéaires en 2017 dans un secteur sensible au ruissellement. Je suis allé chercher les essences dans mes sous-bois et avec mes contacts chez les naturalistes, j’ai fait venir une trentaine de personnes pour la plantation avant de finir sur un repas convivial. La seconde plantation a été financée par la Communauté de Communes des Crêtes Préardennaises via l’Association Renard. Un linéaire de 250 mètres a été mis en place en milieu de parcelle pour séparer deux cultures. Avec cette seconde plantation, trois mares ont été creusées dans les pâtures qui servent en partie à l’abreuvement des animaux.

Comment envisages-tu l’adaptation au changement climatique de ta ferme ?

Je vois l’adaptation surtout par la diversité de production. De manière systématique tous les ans il y a toujours quelque chose qui ne fonctionne pas et quelque chose qui fonctionne. Quand je me suis installé, j’ai commencé avec les moutons et les vaches. Puis j’ai introduit les cochons dans le système en me disant qu’ils n’avaient pas besoin d’herbe. En cas de sécheresse, je décharge en bovin pour avoir assez de foin pour eux et je mets moins de céréales à Vivescia pour nourrir mes porcs et conserver l’autonomie alimentaire.
La contrainte d’avoir des productions diverses est qu’il faut que tout soit service minimum. C’est ce qui m’a orienté dans le choix des races pour avoir le moins de problèmes possible. Et le second critère pour éviter les problèmes a été de ne pas chercher à adapter l’environnement à mes productions mais bien l’inverse.

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